Suite à la déstabilisation de l’Afghanistan par le départ américain et la reconquête des Talibans en août 2021, on estime qu’environ 300 000 migrants et réfugiés afghans (dont seulement 129 323 légaux) sont allés s’installer en Turquie, bénéficiant d’un système de visa très favorable.
Cette nouvelle population afghane s’ajoute aux millions de réfugiés syriens et irakiens déjà présents et ravive un fort ressentiment anti-migrant dans le pays, attisé par les partis d’opposition qui reprochent au gouvernement le laxisme de sa politique migratoire alors que le chômage et l’inflation gagnent du terrain.
Cette situation tendue a conduit le président Erdogan à durcir ses positions en proposant une révision de l’accord migratoire conclu à Ankara avec l’UE en 2016, qui prévoit le retour des migrants de la Grèce vers la Turquie. Il souhaite également fermer la frontière avec l’Iran en construisant un mur dissuasif de près de 300 km de long.
Cette nouvelle vague migratoire représente un défi majeur pour la Turquie, confrontée depuis près de cinq ans à une crise durable, ne parvenant pas à stabiliser sa monnaie et à développer une croissance économique suffisante pour répondre aux demandes générées par sa démographie dynamique.
Une crise économique qui a des conséquences politiques très graves puisque le pouvoir de l’AKP, le parti du président Erdogan, est discrédité. Dans les grandes villes, l’AKP perd de plus en plus d’influence au profit de partis concurrents. Il y a aussi régulièrement de grandes manifestations anti-Erdogan, comme celles qui ont débuté à l’Université du Bosphore et qui ont agité le pays pendant plusieurs semaines.
Enfin, le risque terroriste ne doit pas être totalement écarté, d’autant que le pays reste empêtré dans un conflit avec les Kurdes, qui n’hésitent pas à recourir à l’action armée, comme l’a montré l’attentat d’Istanbul en 2022. La reprise probable d’une offensive turque de niveau divisionnaire au Kurdistan syrien pourrait encore accroître ces tensions ethniques et augmenter le risque d’une réponse terroriste.
La Turquie est donc à la croisée des chemins, avec à la fois des atouts et des forces (une position stratégique et incontournable, notamment depuis l’invasion de l’Ukraine, une économie pourtant dynamique), mais aussi des faiblesses structurelles et conjoncturelles qui semblent déstabiliser de plus en plus le pays.