Avec 115 millions d’habitants, l’Éthiopie est le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique. Pendant la majeure partie de son histoire, ce pays millénaire a été un empire multiculturel, multiethnique et multiconfessionnel, avec plus de 80 groupes ethniques vivant dans le pays. Cette grande diversité, associée à une situation stratégique sur la mer Rouge, le Nil et l’océan Indien, a fait de l’Éthiopie une grande puissance régionale. Ainsi, l’Éthiopie est le seul pays africain qui n’a jamais été colonisé par les Européens (à l’exception de la très courte période italienne de l’entre-deux-guerres).
Mais dans la seconde moitié du 20e siècle, cet empire multiethnique est entré dans un processus nouveau et complexe : le pays a connu une dictature communiste puissante, mais impopulaire, contre laquelle se sont formés des groupes ethniques rebelles, notamment en Érythrée et au Tigré, deux États du nord de l’empire.
Ces deux groupes rebelles ont réussi à renverser la dictature communiste dans les années 1990, avec deux conséquences majeures : l’indépendance de l’Érythrée d’une part, et la prise de pouvoir de l’ethnie tigréenne (pourtant minoritaire) dans la politique éthiopienne d’autre part. Dès la prise de pouvoir à Addis-Abeba, les Tigréens au pouvoir en Éthiopie sont entrés dans une guerre sanglante avec l’Érythrée nouvellement indépendante, ce qui a donné lieu à une guerre extrêmement meurtrière de plus de dix ans.
En 2018, l’actuel Premier ministre Abiy Ahmed a été élu, laissant espérer un apaisement des tensions. Abiy Ahmed est le premier dirigeant éthiopien qui n’est pas issu de l’ethnie tigréenne et il a promis de négocier une paix durable avec l’Érythrée. Pour son action, il a reçu le prix Nobel de la paix. Malgré ses tentatives d’apaisement, le peuple du Tigré, qui a perdu le pouvoir politique après l’arrivée d’Abiy Ahmed au poste de Premier ministre, exige rapidement de nouvelles élections législatives afin de reprendre le pouvoir. Cette tentative de sécession a déclenché une réaction rapide du gouvernement central éthiopien qui a déclenché une réponse militaire brutale et violente, bombardant plusieurs zones de la région du Tigré. Il convient de noter que l’Éthiopie est soutenue par l’Érythrée dans ce conflit. En effet, l’Érythrée craint qu’Abiy Ahmed perde le pouvoir en Éthiopie, ce qui signifierait le retour des Tigréens au pouvoir et la reprise de la guerre Ethiopie-Erythrée. Les indépendantistes tigréens sont donc coincés entre l’Érythrée au nord et le gouvernement central éthiopien au sud. En conséquence, le front est resté relativement statique pendant une partie de l’année 2021.
Mais à partir de septembre 2021, les rebelles tigréens déclenchent une guerre éclair avec une percée au sud qui les amène aux portes de la capitale éthiopienne. La contre-offensive éthiopienne aboutit finalement à la reconquête de la quasi-totalité des territoires stratégiques du Tigré et au début d’un processus de paix.
Cette guerre, qui semble toucher aujourd’hui à sa fin, a néanmoins eu des conséquences désastreuses pour les populations civiles, avec plusieurs centaines de milliers de réfugiés et une famine chronique : les deux parties ont appliqué une politique de terre brûlée qui a entraîné la famine de millions de civils, dans un pays déjà en pénurie alimentaire. Cette pauvreté endémique entraîne également une augmentation significative de la criminalité dans les grands centres urbains.
À cela s’ajoute la possibilité de nouvelles sécessions au sein de l’Éthiopie et de ses dizaines d’ethnies, dont certaines voudront imposer leurs intérêts au moment des négociations de paix. Enfin, il ne faut pas oublier de mentionner le fait que l’Éthiopie partage une longue frontière avec la Somalie, un État défaillant connu pour être une base arrière du terrorisme islamique et des réseaux criminels shebab, qui mènent fréquemment des attaques du côté éthiopien de la frontière. Ainsi, la situation sécuritaire en Éthiopie doit être considérée comme critique et nécessite la mise en œuvre d’importantes mesures de sûreté et de sécurité dans tout le pays.